L’AVENIR DE WAGNER AU SAHEL


Les combattants de l'Azawad au côté d'une carcasse de blindé de Wagner le 27/07/24

Prise dans son propre jeu, la Russie s’enlise dans le bourbier sahélien

Depuis quelques jours, certains médias évoquent des réflexions sur l’avenir du groupe des mercenaires russes de Wagner au Sahel. Ces réflexions pilotées depuis Moscou n’excluent pas le retrait du groupe des mercenaires au Sahel. Est-il possible que ce groupe se retire du terrain Sahélien dans lequel il opérait depuis presque deux ans ? Ou s’agit-il clairement de la manifestation des difficultés rencontrées par Moscou dans son nouveau « pré-carré » ? 

La Russie a estimé les choses très faciles en se basant d’une part sur une organisation des mercenaires sans aucun ancrage politique et d’autre part sur des régimes putschistes sans légitimité. Pour ce pays considéré comme la deuxième puissance mondiale du moins sur le plan militaire, le Wagner (un groupe à la solde de Moscou) et les régimes putschistes de l’AES sont les instruments de son influence au Sahel, région habitée par les Touaregs et les maures et réputée hostile à toute forme d’occupation. Mais c’est mal connaitre les réalités locales liées à la capacité de ces Etats et leur embryon d’alliance dont la principale arme est le narratif souverainiste populiste fondé sur un discours anti-français ou anti-occidental. C’est également mal connaitre les populations autochtones toujours prêtes à défendre leurs droits politiques. 

Toutefois, si on contextualise ces réflexions sur l’avenir de Wagner, en réalité elles font suite à la débâcle subie par ces mercenaires lors de la confrontation de Tinzawatène du 25 au 27 juillet 2024 avec les combattants du Cadre Stratégique Permanent pour la Défense du Peuple de l’Azawad (CSP-DPA), confrontation au cours de laquelle au moins une centaine des mercenaires dont d’importants commandants ont été tués et d’autres faits prisonniers. A cela s’ajoute la dernière attaque en plein cœur de Bamako revendiquée par JNIM dont l’un des sites attaqués abrite une base de Wagner. Tous ces événements ont été d’une gravité importante pour pousser Bamako et Moscou à réfléchir sur leur stratégie basée essentiellement sur l’utilisation de mercenaires Wagner pour sauver la junte. 

Toutefois, si on considère les raisons de l’arrivée de Wagner au Sahel, particulièrement au Mali, il est difficile, voire impossible d’imaginer son retrait pur et simple. Il est peut-être possible de s’attendre à une réforme de la stratégie russe au Mali en particulier et au Sahel en général. En effet, les mercenaires de Wagner ont été envoyés au Mali pour assurer la sécurité de la junte et maintenir un minimum de la sécurité (défense du territoire). Si le premier objectif est plus ou moins atteint (sécurité personnelle de la junte), le second est loin d’être une réalité si on observe les attaques quasi quotidiennes des Groupes Armés terroristes (GAT) liés à JNIM-AQMI et à l’Etat Islamique au Sahel (EIS) affilié à Daech. D’ailleurs la présence de ces GAT qui combattent également les forces de l’Azawad dont ils ne partagent pas l’Agenda est brandie par Bamako pour essayer de décrédibiliser la lutte historique des Touaregs qui combattent pour leurs droits politiques et territoriaux. Bamako essaie de réduire ce combat de l’Azawad à un problème de terrorisme.

Néanmoins, cette approche risque de compliquer davantage la donne pour le Mali ou du moins la junte au pouvoir. La situation est d’ailleurs aujourd’hui pire qu’en 2020, avant l’arrivée de Wagner qui est aujourd’hui « l’oxygène » « du minimum d’Etat » au Mali. En plus, les militaires maliens (FAMA) n’ont aujourd’hui aucun moral pour faire face aux troupes aguerries, organisées, bien équipées et déterminées du CSP-DPA à peine contenues par les drones turcs et les mercenaires de Wagner. 

C’est pourquoi il est difficile d’imaginer que Moscou « abandonne en plein vol » son allié, d’ailleurs qui a fait des ailes et ennemis à cause de la coopération russe. Mais après le revers de Tinzawatène, il faut évidemment songer de revoir la stratégie, ce qui amènerait Moscou à assumer sa responsabilité vers une coopération affichée sur le terrain en envoyant des militaires russes ou tout au moins une force qui agit au nom du droit national russe, donc tenue du point de vue juridique à l’image de AFRICA CORPS. Mais le recours à de telles forces nécessite des accords bilatéraux contrairement à Wagner qu’on peut même tenter de nier du point de vue juridique.  

Il est également probable que Moscou hésite à envisager cette réforme qui la maintiendra juridiquement, militairement et politiquement dans le bourbier du Sahel. Le retrait pur et simple, la réforme de la présence, dans l’un ou l’autre cas de figure, l’équation sera difficile pour Moscou qui a mal évalué et étudié son engagement au Sahel où se mêlent la lutte politique des Touaregs de l’Azawad et les actions des GAT. 

Ce qui est évident, le retrait de la Russie n’augure rien de bon pour les putschistes de Bamako et de Ouagadougou, confrontés aux insurrections et au mécontentement potentiel de la plupart des officiers, mis à la touche par les jeunes capitaines et colonels arrivés au pouvoir. 

A l’évidence, Moscou restera dans son bourbier sahélien tout comme elle s’enlise à l’Ukraine où elle peine à engranger une victoire sérieuse dans le Donbass et face à l’incursion des forces ukrainiennes dans la région de Koursk, en territoire russe. Et si l’Ukraine se projette et s’allie aux nationalistes de l’Azawad comme ce fut médiatisé après les événements de Tinzawatène, les choses seront beaucoup compliquées pour la Russie et ses

 alliés. 

APMA, le 25/09/2024

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Apm Azawad